J.O. Numéro 288 du 12 Décembre 2001
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Texte paru au JORF/LD page 19717
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Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier
NOR : CSCL0105228X
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante sénateurs et plus de soixante députés, de recours dirigés contre la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier adoptée le 20 novembre 2001. Les requérants invoquent, à l'encontre des articles 12, 24 et 27, des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur l'article 12
A. - L'article 12 de la loi déférée prévoit que, lorsque des marchés soumis au code des marchés publics font l'objet d'un allotissement, et portent sur des prestations susceptibles d'être exécutées par certaines structures coopératives ou associatives, un quart des lots fait l'objet d'une mise en concurrence de ces organismes. Il s'agit des sociétés coopératives et des associations dont l'objet est de promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou l'esprit d'entreprise indépendante et collective, ainsi que de celles dont l'objet est de lutter contre le chômage ou de protéger l'environnement.
Pour contester cette disposition, les députés requérants font valoir qu'elle méconnaît le principe d'égalité en créant une rupture injustifiée entre les prestataires susceptibles d'intervenir sur les marchés publics en cause. Ils estiment que, au regard de l'objet des règles relatives à la commande publique, il n'existe ni différence de situation, ni intérêt général pouvant justifier qu'un traitement particulier soit réservé à ces organismes. Les auteurs de la saisine considèrent en outre que le texte est entaché d'incompétence négative, dans la mesure où certains des termes qu'il emploie ne font pas l'objet d'une définition précise.
B. - Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
1. En premier lieu, et comme le reconnaissent les requérants, il est légitime que le législateur prenne des dispositions appropriées pour encourager certaines structures dont l'utilité sociale et le rôle d'insertion sont incontestables. Ils admettent d'ailleurs que de telles mesures peuvent, sans méconnaître l'égalité devant les charges publiques, prendre la forme d'avantages fiscaux ou sociaux. S'ils contestent la possibilité de faire de même en matière de marchés publics, c'est parce que, à leurs yeux, l'objet des dispositions qui régissent cette matière est seulement de définir la procédure susceptible de permettre à la personne publique de se déterminer en fonction de la qualité des diverses offres, sans que puissent intervenir des éléments extérieurs à l'objet propre du marché.
Or ce postulat témoigne d'une conception singulièrement réductrice du droit des marchés publics, lequel a évolué dans le sens de la prise en compte d'éléments ne se limitant pas à la détermination, dans tous les cas, du meilleur prestataire au moindre coût. C'est ce qu'admet par exemple la Cour de justice des Communautés européennes, pour qui des marchés publics de travaux peuvent contenir des clauses relatives à l'emploi local (CJCE 28 septembre 1988, Beentjes BV c/Pays-Bas ; 26 septembre 2000, Commission c/France). Cette évolution trouve d'ailleurs une traduction dans le projet de directive « marchés publics », qui admet la prise en compte de considérations environnementales dans les critères d'attribution des marchés (art. 53) et de considérations sociales et environnementales dans les conditions d'exécution (art. 26 bis).
De son côté, le droit français des marchés publics rend compte, d'ores et déjà, d'un tel élargissement : c'est ainsi que l'article 14 du nouveau code des marchés publics permet la prise en compte des préoccupations sociales et environnementales dans les conditions d'exécution du marché. Dans l'ancien code, il existait déjà un dispositif comparable à celui que contestent les requérants. L'article 63 de ce code prévoyait que l'administration était « tenue de réserver préalablement à la mise en concurrence, et dans la proportion d'un lot sur quatre, un ou plusieurs lots... aux sociétés coopératives de production... »
Ainsi, et dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'objet des dispositions régissant les marchés publics n'est pas seulement de déterminer le meilleur prestataire au meilleur rapport qualité/prix, mais aussi de tenir compte de préoccupations sociales ou environnementales, la distinction opérée par l'article 12 de la loi déférée est bien en rapport avec cet objet.
En outre, la pertinence du traitement particulier retenu par cet article est d'autant moins contestable que le régime ainsi défini ne jouera qu'à la double condition que le marché fasse l'objet d'un allotissement et qu'il porte sur des prestations susceptibles d'être exécutées par les structures coopératives ou associatives définies par la loi, c'est-à-dire celles qui poursuivent des fins d'utilité sociale et méritent, à ce titre, d'être encouragées pour des raisons d'intérêt général difficilement contestables.
On peut d'ailleurs noter que le législateur a déjà reconnu l'intérêt qui s'attache à favoriser les structures de l'économie sociale et solidaire : la loi no 2001-152 du 19 janvier 2001 a ainsi prévu qu'une partie des sommes recueillies dans le cadre d'un « plan partenarial d'épargne salariale » devraient être placées dans des fonds investis dans les « entreprises solidaires », définies à l'article L. 443-3-1 du code du travail.
Par rapport au système antérieur, le nouveau dispositif établit un aménagement qui n'est pas disproportionné au regard du principe d'égalité. Alors que le mécanisme dit « de quart réservataire » s'appliquait en fonction de la nature juridique de la société coopérative, sans mise en concurrence et à l'initiative de cette dernière sans possibilité pour le maître d'ouvrage de refuser l'attribution de ces lots, le dispositif prévu à l'article 12 de la loi introduit trois limites qui visent à assurer la compatibilité entre les règles de la commande publique et une situation particulière faite à certaines sociétés coopératives et associations : le marché doit, à l'initiative du maître d'ouvrage, avoir été alloti ; il ne crée pas un système préférentiel en raison de la nature juridique de la société ou de l'association ; il décrit l'objet dans lequel ce dispositif a été instauré, qui est désormais clairement compatible avec les règles de la commande publique tant nationales que communautaires.
2. En second lieu, le moyen tiré d'une incompétence négative n'est pas davantage fondé.
En effet, la loi, qui ne renvoie nullement à un décret le soin de préciser le dispositif qu'elle énonce, se suffit à elle-même en utilisant des notions dont la portée n'a pas besoin d'être explicitée. Au demeurant, l'article 14 du code des marchés publics se réfère également à la promotion de l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion ainsi qu'à la lutte contre le chômage et à la protection de l'environnement, sans que ces notions n'exposent les maîtres d'ouvrage qui ont à les mettre en oeuvre à des difficultés d'interprétation.
La seule différence concerne la promotion de l'esprit d'entreprise indépendante et collective. La loi entend ainsi viser l'objet même des « sociétés coopératives d'intérêt collectif » (SCIC) qui ont été créées dans la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Ce nouveau statut juridique donne un cadre plus moderne à l'exercice en société coopérative ou en association à ce secteur de l'économie. Comme le montrent les débats qui ont précédé l'adoption de ce texte (AN, 28 juin 2001), il s'agit de promouvoir « une nouvelle logique de partenariat entre usagers, bénévoles, salariés et financeurs ». Par ses caractéristiques, la SCIC met en oeuvre « l'esprit d'entreprise indépendante et collective ». En effet, son but n'est pas seulement la satisfaction de ses propres adhérents ou associés mais celle d'un plus vaste public dont elle vise à satisfaire les besoins. Son caractère non lucratif et le caractère collectif de son patrimoine s'apparentent à la spécificité des associations dont les réserves ne peuvent non plus être partagées. Ni la coopérative, ni la SCIC, ni l'association ne peuvent faire l'objet d'une appropriation individuelle, même lors de leur dissolution.
Les dispositions contestées de l'article 12 entendent ainsi permettre à la collectivité de bénéficier, dans un cadre de concurrence entre structures de même type, de même taille, de même nature, des prestations que ces entreprises sont particulièrement susceptibles d'exécuter.II. - Sur l'article 24
A. - L'article 55 de la loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a inséré, aux articles L. 302-5 à L. 302-9 du code de la construction et de l'habitation, des dispositions particulières tendant à renforcer l'offre de logements sociaux dans les agglomérations.
Il est ainsi précisé que, dans les communes d'au moins 1 500 habitants en Ile-de-France, et 3 500 dans les autres régions, qui font partie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants comportant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, le nombre total des logements locatifs sociaux doit représenter 20 % au moins des résidences principales.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs mécanismes ont été mis en place. Ainsi, l'article L. 302-7 institue, afin de financer la réalisation de logements locatifs sociaux, un prélèvement sur les ressources fiscales des communes, calculé à raison de 1 000 F par logement social manquant pour atteindre l'objectif des 20 %, et plafonné à 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. L'article L. 302-8 prévoit que les communes qui n'ont pas atteint le seuil de 20 % doivent au moins réaliser, par période de trois ans, des logements correspondant à 15 % de l'écart entre le nombre de logements sociaux effectifs et celui qui correspond à l'objectif de 20 %.
Selon l'article L. 302-9, un bilan est établi au terme de chaque période triennale. Dans sa version initiale, ce dispositif était assorti, en cas de carence de la commune, d'un mécanisme de sanction qui se traduisait par le doublement du prélèvement, par la suppression de tout agrément de bureaux et par la faculté, pour le préfet, de se substituer aux autorités locales pour faire réaliser les opérations de construction ou d'acquisition de logements sociaux sur le territoire de la commune défaillante, laquelle devait acquitter une somme égale à la subvention foncière versée par l'Etat.
Saisi de ces dispositions, le Conseil constitutionnel en a, pour l'essentiel, admis la conformité à la Constitution par sa décision no 2000-436 DC du 7 décembre 2000. Il a toutefois censuré les modalités retenues pour le mécanisme de sanction.
Prenant en compte les objections retenues par la haute juridiction, l'article 24 de la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier introduit dans le code de la construction et de l'habitation un article L. 302-9-1 qui définit un nouveau mécanisme propre à assurer sa pleine effectivité au dispositif d'amélioration de l'offre de logements sociaux.
La loi organise ainsi une procédure permettant au préfet de tenir compte des observations de la commune, et de disposer d'une marge d'appréciation pour mettre en oeuvre les sanctions. Celles-ci seront, en outre, modulées, en fonction du nombre de logements non réalisés dans le cadre du programme triennal. Lorsque la carence de la commune aura été constatée, le préfet pourra conclure une convention avec un organisme en vue de la construction ou de l'acquisition des logements sociaux nécessaires.
Pour contester cet article , les députés, auteurs de la seconde saisine, font valoir que le pouvoir d'appréciation ainsi reconnu au représentant de l'Etat présente un caractère discrétionnaire d'où résultera, selon eux, une violation du principe d'égalité. Les requérants estiment en outre que l'imprécision de la loi quant à la majoration du prélèvement sur les ressources fiscales de la commune et à la mise en oeuvre du pouvoir de substitution méconnaît les dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
Il convient d'abord de souligner que la décision du 7 décembre 2000 n'a pas remis en cause le principe même d'un mécanisme de sanction permettant de garantir l'effectivité des obligations instituées en matière d'amélioration de l'offre de logements sociaux. Si le dispositif initialement retenu a été censuré, c'est en raison de son automaticité : le Conseil constitutionnel a en particulier relevé que la loi ne permettait pas au préfet de tenir compte des raisons pour lesquelles les communes pouvaient se trouver en deçà de leurs objectifs.
Il résulte donc clairement des motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de censure que, pour assurer la conformité du dispositif à la Constitution, il importe que le préfet puisse disposer d'un pouvoir d'appréciation lui permettant de tenir compte des circonstances propres à chaque espèce. C'est précisément ce que fait la loi déférée en prévoyant que, lorsque le préfet estime, au terme de chaque période triennale, que les objectifs assignés à la commune ne sont pas atteints, il invite celle-ci à présenter ses observations en fonction desquelles il pourra être amené à prendre des mesures de contrainte. Pour ce faire, il ne dispose, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d'aucun pouvoir discrétionnaire : sa compétence est clairement conditionnée par les termes de la loi, qui lui prescrivent de prendre en compte l'importance de l'écart entre l'objectif à atteindre et les réalisations, les difficultés rencontrées par la commune et les réalisations en cours. Au vu des justifications fournies, le préfet pourra notamment apprécier si le retard de réalisation des logements locatifs sociaux est dû à des éléments indépendants de la volonté de la commune.
Ces critères, qui sont bien en rapport avec le but recherché, sont définis de façon suffisamment précise et objective pour éviter tout arbitraire.
De surcroît, la loi permet de moduler la majoration du prélèvement tant en ce qui concerne son quantum que sa durée d'application. Elle instaure ainsi un double plafonnement :
- d'une part, le taux de la majoration est égal au plus au rapport entre le nombre de logements sociaux non réalisés et l'objectif total de logements à réaliser, ce qui ne rend possible un doublement du prélèvement prévu à l'article L. 302-7 que dans le cas où aucun logement n'a été réalisé au titre de l'engagement triennal de la commune ;
- d'autre part, le montant total de prélèvement reste plafonné, malgré la majoration, à 5 % des dépenses réelles de fonctionnement au lieu de 10 % dans le dispositif initialement retenu.
Ainsi le préfet dispose-t-il, sous le contrôle du juge administratif auquel la loi reconnaît expressément un pouvoir de pleine juridiction, d'un éventail de mesures lui permettant d'adapter les mesures qu'il aura à prendre, suivant les critères définis par la loi, aux situations propres à chaque collectivité et à chaque période considérée. Les mesures prises étant ainsi adaptées selon la diversité des situations, aucune rupture d'égalité ne saurait en résulter.
De même est-ce en vain que les requérants font état d'une violation de l'article 34 de la Constitution : il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le rôle dévolu au préfet est encadré par des critères suffisamment précis.
Quant au moyen tiré de l'article 72, il ne saurait davantage être accueilli, dès lors qu'il revient, en réalité, à remettre en cause le principe même d'un dispositif qui, pour l'essentiel, a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision, déjà citée, du 7 décembre 2000.III. - Sur l'article 27
A. - Le 2o du I de l'article 27 de la loi déférée modifie l'article L. 412-1 du code monétaire et financier pour préciser que le document d'information ou « prospectus » que les émetteurs faisant appel public à l'épargne mettent à la disposition du public doit être rédigé en français ou, dans des cas définis par un règlement de la Commission des opérations de bourse (COB), dans une autre langue usuelle en matière financière. Ce prospectus doit alors être accompagné d'un résumé rédigé en français, dans des conditions que détermine le même règlement.
Selon les parlementaires requérants, cette disposition se heurte à l'article 2 de la Constitution, aux termes duquel la langue de la République est le français. Ils considèrent en effet que la loi permet ainsi aux opérateurs de se prévaloir de l'usage d'une langue étrangère dans leurs rapports avec la COB. Les sénateurs, auteurs du premier recours, y voient aussi une méconnaissance du principe d'égalité, en raison de la distinction ainsi faite entre les investisseurs potentiels selon leur aptitude à comprendre une langue étrangère. Ils estiment que la disposition critiquée soulèvera également des difficultés en cas de contentieux. Enfin, les sénateurs requérants considèrent qu'est ainsi méconnu le droit des citoyens à l'information qui découle de l'article 11 de la Déclaration de 1789.
B. - Ces moyens ne sont pas fondés.
Il convient de souligner que la disposition contestée fait suite à une décision Géniteau du 20 décembre 2000, par laquelle le Conseil d'Etat a jugé que l'arrêté ministériel du 22 janvier 1999 qui avait homologué des règlements de la COB ouvrant cette possibilité se heurtait, non pas à l'article 2 de la Constitution, mais à l'article 2 de la loi no 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française. Ce texte prescrit en effet d'employer le français dans la désignation, l'offre et la présentation d'un bien ou d'un service. Dans la mesure où il a paru opportun d'assouplir cette règle législative - notamment dans le cadre de l'harmonisation, au sein des Etats européens, des procédures d'information en matière d'appel public à l'épargne, engagée depuis 1979 et qui se poursuit avec un projet de directive en cours de négociation - la présente loi ouvre expressément cette possibilité de dérogation, tout en rappelant que la règle est l'emploi du français et en encadrant l'usage d'autres langues usuelles en matière financière par l'exigence qu'un résumé détaillé soit rédigé en français.
La loi cherche ainsi à concilier la nécessaire défense de la langue française avec les obligations qui résultent, pour la France, de son appartenance à la Communauté européenne, au regard notamment de ce qu'implique l'article 30 du traité de Rome.
1. Compte tenu de l'objet de cette mesure et de la nature du prospectus en cause, le moyen tiré de l'article 2 de la Constitution est inopérant.
Sans doute cet article implique-t-il que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les services publics, de l'usage d'une langue autre que le français, ni être astreints à un tel usage (no 99-412 DC du 15 juin 1999), et sans doute aussi la COB exerce-t-elle une mission de service public. Mais le document en cause ne saurait être assimilé à un document officiel auquel pourrait s'appliquer la jurisprudence dont se prévalent les requérants.
En effet, le prospectus défini par l'article L. 412-1 est destiné avant tout à l'information du public par un opérateur. Il porte sur le contenu et les modalités de l'opération qui en fait l'objet, ainsi que sur la situation et l'activité de l'émetteur. Il s'agit donc d'un document émis par une personne morale à destination d'investisseurs potentiels dans le cadre d'une relation commerciale de droit privé.
C'est ce que met d'ailleurs en évidence l'insertion de l'article L. 412-1, qui rend nécessaire ce document d'information, dans le plan du code monétaire et financier, au chapitre II (« conditions de l'appel public à l'épargne ») du titre Ier (« l'appel public à l'épargne ») du livre IV consacré aux marchés. Ces dispositions ont tout leur sens quant aux rapports entre l'opérateur et les investisseurs éventuels, indépendamment du visa de la COB prévu par d'autres dispositions (art. L. 621-8 du même code).
L'intervention de la COB n'a ni pour objet, ni pour effet, de modifier la nature de cette relation. Le prospectus n'est ni un document émis par une administration publique ni un document qui lui est destiné. Il est établi par l'émetteur et n'engage que la responsabilité de ses signataires. Selon une jurisprudence constante (notamment CA Paris 19 mai 1998 Buckel/Fermière du casino municipal de Cannes et CA Paris 23 octobre 2001 Libertysurf/Tiscali), la COB se limite à vérifier la pertinence et la cohérence de l'information financière. Elle n'authentifie en aucune manière les informations données, ni ne se prononce sur l'opportunité de l'opération, non plus que sur ses modalités. La COB n'est donc pas l'auteur du document, pas plus qu'elle n'en est le destinataire. Elle le sera d'autant moins à l'avenir avec l'extension du contrôle a posteriori sur la partie importante du document que constitue la présentation de l'émetteur.
2. Inspiré par le souci d'assurer aux épargnants une information financière adaptée à leurs besoins, tout en confortant la compétitivité de la place de Paris, le dispositif contesté ne porte aucune atteinte à l'égalité entre les investisseurs potentiels, non plus qu'à leur droit à l'information.
Le texte adopté met en évidence le fait que la langue de droit commun des documents d'information reste le français. En pratique, les règlements de la COB auxquels la loi se réfère (art. L. 412-1 et L. 621-8) - qui seront, en application de l'article L. 621-6, soumis à l'homologation du ministre chargé de l'économie - maintiendront l'usage exclusif du français pour la plupart des opérations en titres de capital et les placements dans le public de titres de créance. Ils ne prévoiront l'usage d'une langue autre que le français que dans des cas limités, ceux où les titres sont offerts à des investisseurs professionnels, ceux où le public est proche de l'émetteur (par exemple, les offres d'émetteurs étrangers réservées aux salariés de leurs filiales et établissements français) ou encore ceux où les prospectus ont déjà été contrôlés, dans un cadre harmonisé, par une autorité européenne homologue de la COB et bénéficient de la « reconnaissance mutuelle » en application des textes communautaires déjà adoptés (directive 2001/34/CE codifiant huit directives adoptées entre 1979 et 1994, directive « prospectus » en cours de négociation).
Dans les cas où la présentation d'un texte rédigé intégralement en français ne sera pas requise, la mise à disposition d'un résumé détaillé en français devra fournir aux épargnants l'information utile pour qu'ils fondent leur jugement en connaissance de cause.
De manière générale, l'élaboration d'un résumé, que le prospectus soit en français ou dans une autre langue, doit se généraliser afin de répondre aux besoins d'information claire et compréhensible de la part des investisseurs. Aujourd'hui, le document intégral, par sa complexité et sa longueur (plusieurs centaines de pages), sert surtout aux analystes financiers et aux investisseurs institutionnels, quelle que soit la langue dans laquelle il est rédigé. Ce document intégral n'est généralement pas utilisé par les épargnants individuels. En revanche, le résumé devra comprendre l'ensemble des informations indispensables pour que les épargnants puissent investir en connaissance de cause, et connaître précisément le patrimoine, l'activité, la situation financière, les résultats et les perspectives de l'émetteur, ainsi que les droits attachés aux valeurs mobilières concernées. Il est prévu que les futurs règlements de la COB donnent la liste des informations ainsi requises (ce qui n'était pas le cas dans les règlements annulés par le Conseil d'Etat).
Le résumé fera l'objet du contrôle de la COB au même titre que le reste du document. Il devra nécessairement être « pertinent et cohérent » par rapport au prospectus d'origine en langue étrangère : en effet, dans le cadre de sa mission de protection de l'épargne publique, la COB veillera à ce qu'il comprenne tous les éléments nécessaires à la détermination des décisions des investisseurs.
3. Enfin la nouvelle rédaction de l'article L. 412-1 ne créera, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune incertitude en cas de contentieux.
Bien au contraire, cette rédaction réduit l'incertitude par rapport à la situation actuelle, dans laquelle, à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 décembre 2000, la COB impose une traduction intégrale : en effet, bien qu'il dispose d'une version en français, le juge se réfère, pour déterminer les droits respectifs des parties, à la traduction qu'il fait effectuer par l'expert judiciaire désigné par lui.
Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'un prospectus dans une autre langue accompagné d'un résumé en français, ou d'un prospectus résultant d'une traduction intégrale d'une autre langue, le juge demandera la traduction par un expert judiciaire de la version écrite dans une langue étrangère, afin de pouvoir procéder à une comparaison.
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En définitive, le Gouvernement considère qu'aucun des moyens soulevés par les auteurs des recours n'est de nature à justifier la censure des dispositions déférées au Conseil constitutionnel.